France Inter – Entretien avec Philippe Val, directeur (vidéo)

RadioActu – Philippe ValPhilippe Val – Directeur de France Inter

RadioActu : Il a été dit beaucoup de choses lors de votre nomination à la tête de France Inter. Comment abordez-vous vos nouvelles fonctions ? Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Philippe Val : Je suis impatient ! Tout ce que l’on a mis en place, tout ce dont on a parlé cet été et sur quoi nous avons travaillé, ça démarre là ! Nous sommes fiévreux, on a faim, et on espère que l’on va communiquer notre faim à nos auditeurs.

RadioActu : Vous arrivez à la tête d’une radio qui fonctionne bien, qui est la 2ème station de France, quelle est la « touche » Philippe Val sur cette première rentrée qui est la vôtre ?
Philippe Val : D’abord nous avons gardé ce que l’on aimait, c’est-à-dire à peu près tout. Et puis nous avons ajouté de grandes choses. Je tenais vraiment, en arrivant, à apporter un petit avant-goût. J’ai déjà mon remplaçant le vendredi matin, qui est quelqu’un que j’aime vraiment beaucoup et dont j’apprécie l’écriture et l’humour, qui est François Morel. Et puis il y a Jean-Claude Ameisen, qui est un scientifique, président du Comité d’éthique de l’INSERM, qui est un type formidable et qui va parler de choses qui sont en débat dans la société. Les citoyens doivent se saisir de ce débat, de ce rapport à la science aujourd’hui. Je rêvais d’amener sur France Inter quelqu’un comme Jean-Claude Ameisen, c’est fait. Et puis faire partager à nos auditeurs notre passion des textes littéraires. Là aussi, c’est pareil, avec Guillaume Gallienne qui vient faire une émission de lecture, ça, c’est mon rêve d’auditeur. J’aime écouter les belles voix, les grands interprètes. En radio, c’est quelque chose qui m’a toujours fait palpiter. C’est quand même un peu significatif, il y a quelque chose, non ? Et puis il y a cette émission mensuelle sur l’Europe en direct du Parlement Européen, parce que la construction européenne est la grande aventure politique d’après-guerre. Il faut redonner faim d’Europe, quelle que soit l’opinion que l’on a sur l’Europe. Il faut savoir que c’est fait par des gens incroyablement intéressants et brillants. Il faut faire connaître ces gens à nos auditeurs pour qu’ils se saisissent de ce débat, parce que plus on se saisit de débat avec de bonnes informations, plus on est un citoyen libre qui se détermine souverainement. De même, la présence du « grand témoin » dans une émission politique à une heure de très grande écoute, je pense que c’est quelque chose d’important pour faire sortir des rails de la langue de bois les personnalités politiques, pour les obliger à rentrer sur un terrain intellectuel et culturel face à des personnalités qui représentent quelque chose dans leurs métiers. Et leurs métiers étant un enjeu pour tous, ils ont des vraies questions profondes à poser. Il ne s’agit pas d’agresser les politiques, il s’agit de les faire entrer dans un vrai débat sur des questions que les intervieweurs politiques ne leur posent pas, parce que ce n’est pas leur métier. On a envie de ces bonnes surprises là, dont on n’est jamais à l’abri…

RadioActu : Entre France Inter et vous, c’est une longue histoire, qui a été parfois tumultueuse. Est-ce que l’ancien patron de Charlie Hebdo que vous êtes s’est assagit maintenant en tant que directeur de France Inter ?
Philippe Val : Ce n’est pas qu’il s’est assagit. Les opinions que j’ai, je les ai ! Le citoyen les a. Ces idées, que je mettais en débat et qui ont parfois provoqué quelques polémique et parfois quelques gros procès, ces idées là, je les ai toujours bien sûr. Mais c’était mon métier de les affirmer et de les mettre en débat dans la société. Aujourd’hui, mon métier, c’est de faire cohabiter des opinions, de faire cohabiter des idées et de susciter des confrontations riches et profondes. Ce n’est pas le même métier de mettre ensemble des gens d’horizons divers. C’est un autre job. J’ai changé de métier, mais le citoyen que je suis n’a pas changé.

RadioActu : Comment définiriez-vous aujourd’hui le rôle d’une radio service public telle que France Inter dans l’univers des grandes radios généralistes ? En quoi se distingue-t-elle ?
Philippe Val : Quelles que soient les qualités de nos confrères, et une fois de plus, quand je faisais des journaux, je ne me suis jamais réjouit de la baisse des ventes de nos confrères, au contraire. Aujourd’hui, c’est pareil : j’ai envie que les gens écoutent la radio. Le fait que nous ne soyons pas une radio commerciale dit quelque chose de son identité. Elle est vraiment au service du public, elle fonctionne avec l’argent de la collectivité. Il y a une espèce responsabilité. « Inter », ça veut dire « interface ». Interface entre ce à quoi les citoyens ont droit, c’est-à-dire au savoir, à une information de qualité, l’accès à la culture… C’est vraiment l’interface entre le grand public et le monde des idées, le monde des formes, le monde en général. Par ailleurs, c’est une chaîne, qui, au-delà d’être l’interface, est aussi acteur en étant partenaire de nombreux films, en aidant et en travaillant beaucoup avec les théâtres, avec les créateurs de toute sorte, les écrivains. France Inter est une grande maison de culture. Les autres radios généralistes n’ont pas tout-à-fait cette mission là.

RadioActu : Politiquement, comment pouvez-vous vous porter garant de l’indépendance de France Inter, de sa rédaction ? Est-ce que vous êtes un garde-fou, et non pas une courroie de transmission du pouvoir ?
Philippe Val : Je n’ai jamais reçu de coup de fil de l’Elysée pour quoi que ce soit. S’il y a des hommes politiques qui protestent, ils me le diront. Mais je pense que les journalistes, et je l’ai prouvé lorsque j’étais directeur de Charlie Hebdo, n’ont pas être soumis à un pouvoir politique bien évidemment. C’est interdit. Dans une démocratie c’est impossible. Quand une chose pareille devient un tant soit peu secrètement institutionnelle dans une démocratie, c’est que l’on est en train de quitter la démocratie. Donc, c’est un tabou chez moi. J’ai écrit des livres sur cette question, car c’est un de mes gros sujets : « qu’est-ce qu’une démocratie moderne ? ». Donc je ne risque pas de déroger à ça. Ce n’est pas ça, ou sans moi. C’est clair.

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